Concordance(s) : EDR 160392 = EDR 158013 = AE, 2016, 228

Publication(s) :

F. Zevi, "I Fasti di Privernum", ZPE, 197, 2016, p. 287-305, photos, dessin.

Provenance : Regio I, Priverno, Privernum, province de Latina, Italie.

Découverte : 2000-2001. Fragments trouvés lors de la fouille de la cathédrale du haut moyen âge, en remploi dans le pavement.

Conservation : Priverno. Museo di Priverno.

Support : Plaque. Marbre. Fragments.

b 42,5 x 28,5 x 2,9/2,7

Ecriture : Fragment b: 0,6/0,8 cm, sauf les lignes 5 et 6 de la colonne 2, correspondant respectivement à la dernière ligne du calendrier et à la praescriptio de la liste des magistrats. Ligne 5: 2,7 cm; ligne 6: 2,1 cm.

Mise en page : Le texte du calendrier est disposé en colonnes, tout comme celui des fastes.

Texte : Latin. Fastes.

Commentaire :

L’inscription dont les deux fragments sont issus comprenait et calendrier et fastes consulaires. Le calendrier y était présenté en colonnes, mois après mois ; sous celles-ci était gravée la liste des magistrats de Rome, également organisée en colonnes. Les plaques de marbre portant ces textes devaient être appliquées à une paroi. La largeur totale devait atteindre environ 4 mètres avec les marges et les moulures ; la hauteur devait dépasser 1,40 m, dont les 26 cm inférieurs (à l’exception de la moulure) étaient destinés aux fastes consulaires. La superficie de l’inscription laisse supposer qu’il s’agit d’un document public de la cité de Priuernum.

La liste des magistrats de Privernum comprend non seulement les consuls mais aussi les censeurs ; devaient vraisemblablement aussi y être indiquées les guerres menées par Rome, comme le suggère la comparaison avec d’autres Fastes municipaux. La liste des magistratures aurait couvert une période allant de 90 av. n.è. jusqu’au règne d’Auguste (en tout cas jusqu’à la dernière décennie avant notre ère). Il convient en outre de souligner les analogies nombreuses entre le contenu développé des notices des fastes de Privernum et celui des Fasti Capitolini.

Le fragment a) contient les restes de deux colonnes ainsi qu’une moulure à l’extrémité inférieure, similaire à celle du fragment b).

La dernière ligne de la colonne de droite du fragment a) correspond à la dernière ligne de la colonne de gauche du fragment b).

Dans la colonne de gauche du fragment a) figure, à la dernière ligne, le cognomen Pulcher. Il doit s’agir d’Appius Claudius Pulcher (censeur en 50), ici nommé en tant que consul de 54 av. n.è. La fin de la ligne précédente appartient vraisemblablement à la formule lustrum non fecerunt, à propos des censeurs de l’année 55 av. n.è. Si tel est le cas, à la ligne précédente étaient indiqués les consuls de l’année 55, Pompée et Crassus. Zevi propose dès lors la lecture suivante du fragment a) :

[Cn(aeus) Pompeius Magnus II, M(arcus) Licinius Cra]ssus <II> ;

[M(arcus) Valerius Messala, P(ublius) Seruilius Isauricus cens(ores) lustrum non fec]erunt.

[Cn(aeus) Domitius Ahenobarbus, Ap(pius) Claudius] Pulcher.

Le nom de C. Iulius Caesar qui apparaît dans la colonne de gauche doit se rapporter à l’année 45. Zevi supplée, sur la base des Fasti Capitolini : C. Iu[lius Caesar IIII sine collega abdicauit]. À cette ligne faisait suite la colonne 2 du fragment b) (voir infra).

Le fragment b), le plus développé des deux, devait se situer à peu près au centre de l’inscription. Il conserve à gauche la fin des lignes d’une première colonne (col. 1), à droite les lignes d’une deuxième colonne dont la largeur est presque entièrement conservée (col. 2).

Col. 1 : La troisième ligne rapporte le nom d’un Lentulus, la dernière celui d’un Isauricus : il s’agit des consuls de l’année 49 av. n.è. (L. Cornelius Lentulus Crus) et de 48 av. n.è. (P. Servilius Vatia Isauricus). La désinence verbale [---]runt de la deuxième ligne fait, selon toute vraisemblance, partie de la formule lustrum non fecerunt, se rapportant aux censeurs de l’année 50 av. n.è., Ap. Claudius Pulcher et L. Calpurnius Piso Caesoninus. Le C à la fin de la quatrième ligne pourrait, comme dans les Fastes capitolins, avoir conclu la notice [C(aius) Iulius Caesar dict(ator) sine mag(istro) eq(uitum) comit(iorum) habend(orum] c(aussa). Zevi propose dès lors la lecture suivante de la col. 1 du fragment b :

[Ap(pius) Claudius Pulcher, L(ucius) Calpurnius Piso]

[censores lustrum non fece]runt.

(vacat ?)

[C(aius) Claudius Marcellus, L(ucius) Cornelius Le]ntul(us).

[C(aius) Iulius Caesar dict(ator) sine mag(istro) eq(uitum) comit(iorum habend(orum) c(aussa).

[C(aius) Iulius Caesar II, P(ublius) Seruilius Isau]ric(us).

Col. 2 : Les premières lignes de la colonne conservent un fragment du calendrier, la fin du mois de juin (l. 1-5), avec les deux fêtes des 27 et 29, connues par ailleurs, d’une part celle de Jupiter Stator sur le Palatin, d’autre part celle du dies natalis du temple de Quirinus sur le Quirinal, reconstruit par Auguste en 16 av. n.è. Le nombre XXX indique le dernier jour du mois.

Sous le calendrier se développait la liste des magistrats. Celle-ci est précédée, comme dans d’autres Fastes, par la praescriptio (l. 6). La restitution de cette dernière se base sur la comparaison avec les Fasti Venusini : il s’agit donc de la liste des magistrats de Rome depuis la guerre sociale, qui est désignée par la formule bellum Marsicum. La colonne 2 rapporte, presque complète, la liste relative aux années comprises entre 45 et 43 av. n.è., période exceptionnelle, avec la présence contemporaine de la dictature et du consulat, les désignations et les remplacements dans les magistratures.

Les lignes 7-11 se rapportent à l’année 45 av. n.è. Le début de l’année, qui se trouvait sur la colonne précédente, devait mentionner la troisième dictature de César, avec Lépide comme magister equitum ; est en revanche conservée à la fin de la colonne précédente la mention du quatrième consulat de César, qu’il exerça seul (voir fragment a, col. 2). La ligne 7 de la col. 2 mentionne les noms des deux consuls suffects nommés par César, Q. Fabius Maximus et C. Trebonius, général césarien. Le premier est mort durant son consulat, comme le rappelle la l. 8 (on connaît par ailleurs la date de son décès, le 31 décembre, juste avant sa sortie de charge) ; la ligne 9 donne le nom de son remplaçant, C. Caninius Rebilus (fidèle de César, qui fut donc consul pour un jour).

Les lignes 11-23 se rapportent à l’année 44 av. n.è. César, qui est alors dictateur pour la quatrième fois, et Lépide, son magister equitum, pour la seconde fois, abdiquent, afin que les comices puissent ratifier la désignation de César comme dictateur à vie. Zevi propose donc de compléter les lignes 11-12 de la manière suivante : C(aius) Iulius Caesar (quartum) dict(ator) abdic(auit) ut perpe(tuo ?) [dict(ator) fieret ?] ; / M(arcus) Aemilius Lepid(us) (iterum) mag(ister) eq(uitum) abd(icauit) ut perpet(uo ?) [mag(ister) eq(uitum) fieret ?]. La ligne 13 précise la durée de la charge de Lépide : tant que César est dictateur. Ces données sur la durée de la charge de Lépide constituent une nouveauté importante, dont Zevi présente les implications historiques et épigraphiques. La lacune suivant le nom de Lépide dans les Fastes capitolins ne devrait donc plus être supplée M. Aemilius Lepidus [III mag(ister) eq(uitum)], comme le proposait A. Degrassi, mais plutôt [desig(natus) in perp(etuum) mag(ister eq(uitum)].

Les lignes qui suivent (16-20) se rapportent à ceux qui devront succéder à Lépide en tant que magister equitum, une fois que ce dernier, revêtu du paludamentum de général, partira pour sa province. En donnant le nom de M. Valerius Messala, qu’il convient d’identifier à Messala Rufus, consul en 53 av. n.è. et fidèle de César, les Fastes de Privernum permettent d’infirmer l’opinion largement répandue dans l’historiographie contemporaine, selon laquelle C. Octavius, le futur Auguste, aurait été désigné à cette fonction pour l’année 44. C’est à Messala que César confie alors la charge de diriger Rome et l’Italie durant la campagne qu’il s’apprêtait à mener contre les Parthes. La restitution des Fastes capitolins devrait donc également faire l’objet d’une correction, en tenant compte du nom fourni par le fragment des Fastes de Privernum. Les lignes 18-20 concernent Domitius Calvinus, désigné comme magister equitum pour l’année 43 – désignation qui ne fut pas suivie d’effet à cause de la mort de César. Zevi propose dès lors de suppléer [Non iniit], formule présente dans les Fastes capitolins à propos de Domitius, après futurus es[set]. Les mêmes mots auraient également pu suivre la notice se rapportant à M. Valerius Messala. Ces notices du fragment b) des Fastes de Privernum ouvrent donc des perspectives nouvelles pour l’étude de ces années troublées, comme le montre Zevi.

Les lignes 21-23 mentionnent les consuls de l’année 44, César pour la cinquième fois et Marc Antoine. Suit la mention du remplaçant de César, P. Cornelius Dolabella. La formule du texte, in e(ius) l(ocum) f(actus) e(st) ne laisse rien transparaître des circonstances de la mort de César.

La dernière ligne de la colonne concerne l’année 43. Elle rappelle le nom du premier des deux consuls ordinaires, C. Vibius Pansa. Les mots in mag(istratu) devaient être complétés, au début de la colonne suivante par la mention de sa mort (occ(isus)) durant la bataille de Modène.

Datation : Sous le règne d'Auguste, au plus tôt durant la première décennie avant notre ère.